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Cybersécurité

L’opérateur AT&T procède à une cybersurveillance massive… et lucrative

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- - Kena Betancur / AFP

Les forces de l’ordre paient des fortunes pour accéder aux métadonnées du plus grand opérateur télécoms américain, AT&T. Et la plupart du temps, ces accès se font en toute discrétion, hors de toute procédure judiciaire.

Dans tous les pays, les opérateurs télécom sont contraints par le législateur de fournir les données de connexion de leurs clients quand elles sont réclamées par la justice ou les forces de l’ordre. Cette collaboration forcée donne toujours lieu à un dédommagement pour le travail occasionné, ce qui est normal. Chez AT&T, en revanche, c’est visiblement plus qu’un dédommagement, plutôt un centre de profit. Selon The Daily Beast, la firme a fait de cette obligation légale un véritable produit qui s’appuie sur un programme de surveillance de masse baptisé Hemisphere, permettant d’effectuer des recherches analytiques sur de grandes quantités de métadonnées.

Ce programme a été révélé en 2013 par The New York Times, mais on pensait alors qu’il s’agissait d’un outil réservé à la lutte antidrogue et utilisé de manière parcimonieuse dans trois centres de l’agence DEA (Drug Enforcement Agency). Or, selon les documents de Daily Beast, Hemisphere est utilisé dans au moins 28 centres de police pour tout type d’enquête, même les fraudes à la sécurité sociale.

Des enquêtes parallèles

Le plus inquiétant, c’est que l’opérateur fournirait aux forces de l’ordre un accès quasi illimité à ses données, sans nécessité d’un mandat d’arrêt. En contrepartie, AT&T demande par écrit aux policiers de masquer l’origine des informations qu’ils trouveraient dans ses bases. Selon l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une association de défense des droits citoyens, cela revient à demander aux forces de l’ordre de fausser leurs rapports d’enquêtes en effectuant des recherches parallèles : les fonctionnaires obtiennent des informations déterminantes de la part d’AT&T, mais ils vont ensuite essayer de traquer le suspect par des moyens légaux, comme des mises sur écoutes. Le recours à AT&T, du coup, n’apparaîtrait plus dans la procédure judiciaire.

D’une certaine manière, AT&T fonctionnerait donc comme une véritable agence de renseignement au service des forces de l’ordre, ce qui n’est pas vraiment son rôle. Evidemment, le zèle que met AT&T dans ces collaborations gouvernementales est facturé au prix fort. Selon Daily Beast, les départements de police payent entre 100.000 et 1 million de dollars par an pour accéder aux bases de l’opérateur. Il faut dire que celles-ci sont d’une valeur inestimable. L’infrastructure d’AT&T est incontournable aux Etats-Unis. L’opérateur stockerait tout ce que traversent ses réseaux, coups de fil, SMS, appels Skype et autres, et cela depuis… 1987. Ce qui représenterait au total des billions de données sauvegardées. Face à AT&T, la NSA passerait presque pour un petit joueur.