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Cybersécurité

Non, le Dark Web n'est pas qu'un repaire de criminels

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La face cachée de l'Internet est, certes, un petit paradis pour la pègre. Mais c'est aussi un important moyen pour lutter contre le totalitarisme et pour assurer la liberté d'expression.

Haro sur le Dark Web! Il y a quelques jours, le magazine Valeurs Actuelles a publié une enquête prouvant à quel point il était simple d'acheter de la drogue sur des sites cachés et de la recevoir par voie postale. Le député Bernard Debré a immédiatement demandé une mission d'information parlementaire pour lutter contre ce nouveau fléau.

Pour autant, ce n'est pas une raison de jeter l'opprobre de manière générale sur cette face cachée du web, qui ne regroupe pas que des criminels... On trouve aussi des journalistes, des lanceurs d'alertes, des activistes et de simples citoyens désireux de préserver leur vie privée. Voici cinq raisons de préserver le Dark Web.

1 - Contourner la censure d'Etat

Des sites très connus tels que Facebook (facebookcorewwwi.onion) ou Wikipedia disposent d'une adresse dans le Dark Web depuis plusieurs années. C'est également le cas du moteur de recherche DuckDuckGo et du site d'actualités The Intercept. Pourquoi? Créer un site dans le Dark Web permet de contourner la censure d'Etat, généralement basée sur le blocage DNS (Domain Name System, l'annuaire du web). En effet, dans le Dark Web, on utilise ni adresse IP, ni nom de domaine pour accéder aux sites. Le réseau I2P, par exemple, s'appuie sur des identifiants cryptographiques. Les services Tor cachés (Tor Hidden Services) utilisent des adresses en .ONION. Un site dans le Dark Web est également plus résilient vis-à-vis des forces de l'ordre qui ne peuvent pas facilement identifier l'hébergeur sous-jacent. Ceux qui subissent des régimes autoritaires apprécient beaucoup cette sécurité.

2 - Partager ses opinions et ses passions

Certains internautes utilisent le Dark Web pour partager leurs opinions ou leurs passions en toute sécurité: actualité, politique, syndicalisme, sexualité, hacking, etc. Le site Riseup.net, par exemple, propose plusieurs dizaines de listes de diffusion qui sont toutes accessibles par le Dark Web, pour plus de confidentialité. Beaucoup d'utilisateurs utilisent ces services cachés parce qu'ils permettent d'avoir une liberté d'expression qui rappelle les débuts d'Internet.

3 - Idéal pour l'activisme

Le Dark Web est évidemment un terrain de prédilection pour les militants de tous bords: hacktivistes, anarchistes, féministes, antiracistes, altermondialistes, etc. Les sites Rebellyon.info ou Citoyens-en-transition.fr, par exemple, disposent d'une adresse en .ONION, ce qui évite aux lecteurs de se faire repérer ou manipuler. En effet, consulter un site web par le navigateur Tor n'empêche pas la connexion d'être interceptée et modifiée. Avec un site caché, en revanche, on est à l'abri de ce genre de risque. Le Dark Web permet également d'utiliser des messageries instantanées particulièrement sécurisées telles que Ricochet, où toutes les communications passent par le réseau Tor. Sur le plan technique, chaque destinataire agit comme un service caché à lui tout seul.

4 - Lancer des alertes

A la suite des révélations de Wikileaks et d'Edward Snowden, les plate-formes permettant de lancer des alertes en toute sécurité se sont multipliées. Elles s'appuient généralement sur le Dark Web pour assurer l'anonymat des lanceurs d'alerte. Deux technologies dominent actuellement le paysage: GlobaLeaks et SecureDrop. La première a été créée par des développeurs italiens. La seconde est l'œuvre de feu Aaron Swartz, célèbre hacker et activiste. Elle est gérée aujourd'hui par la Fondation pour la liberté de la presse. Chacune est utilisée par une trentaine de sites. On y trouve de tout: des organismes de lutte contre la corruption, des associations écologistes, des partis politiques et, surtout, des sites de presse comme The Washington Post, The New Yorker, The Guardian ou The Intercept.

5 - Acheter en toute liberté

La monnaie préférée du Dark Web, c'est le bitcoin, dont la principale promesse est de préserver un certain anonymat des transactions, un peu comme l'argent liquide. Beaucoup de personnes recherchent cet anonymat sans être pour autant des criminels. Le bitcoin est également une technologie révolutionnaire, qui permet de valider des transactions de manière décentralisée, sans passer par des banques. De nombreuses start-up cherchent actuellement à s'approprier sa technologie sous-jacente, la Blockchain, pour créer de nouveaux services financiers. Ce qui intéresse également les banques traditionnelles.