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Le laser le plus puissant du monde est français et nous avons pu l’approcher

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Ce faisceau laser du CEA a délivré 1,2 PetaWatt lors de son premier tir mais il a été conçu pour aller bien au-delà. Un outil précieux pour étudier de nouvelles formes de production d’énergie ou comprendre la formation des étoiles.

Tout paraît hors norme au centre CEA de Barp en Aquitaine. Dans un long bâtiment de 300 mètres sur 150 se niche l’installation du Laser Mégajoule, mis en service fin 2014. Un incroyable enchevêtrement de tuyaux et de miroirs que l’on dirait tout droit sortis du cerveau d’un savant fou. Sauf qu’ici, la France simule des essais nucléaires. Et que lorsqu’un tir est effectué dans le plus grand confinement, l’énergie délivrée est telle qu’elle atteint des niveaux… mortels.

Vue d'ensemble du PETAL
Vue d'ensemble du PETAL © CEA

Une prouesse technologique

Depuis peu, les 176 faisceaux du Laser Mégajoule sont couplés à un nouveau venu : le faisceau du laser Petal, pour Petawatt Aquitaine Laser. Il est 100 fois plus puissant que ses aînés. "Il a déjà délivré 1,2 PetaWatt lors de son premier tir au mois de juin dernier grâce à des impulsions de 3 kilojoules ultra-brèves, de l’ordre de la picoseconde", annonce fièrement Jean-Luc Miquel, le chef de projet Petal au CEA. Ce qui en ferait le faisceau laser le plus puissant du monde dans la catégorie des lasers énergétiques. Le CEA ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. "En améliorant le front d’onde, nous estimons que nous pourrions, à terme, atteindre une puissance de 5, voire 7 PetaWatt" , affirme Jean-Luc Miquel.

Cette prouesse est due au choix d’une technologie bien particulière dite "d’amplification à dérive de fréquence". En résumé, il est impossible d’amplifier directement une impulsion courte sans détériorer les optiques. Il faut donc préalablement étirer, c’est-à-dire retarder dans le temps, les différentes longueurs d’ondes. 

La chambre d'expérience vue de l'extérieur
La chambre d'expérience vue de l'extérieur © Mathias Scandura - CEA

C’est alors seulement que l’on peut amplifier, c’est-à-dire augmenter l’énergie générée. L’impulsion est enfin comprimée à nouveau pour reconstituer une impulsion brève, puis focalisée avec un miroir pour ne pas casser la matière. En bout de chaîne, le faisceau est transporté jusqu’à la chambre d’expérience où il tire sur une cible.

L'intérieur de la chambre, où des robots ajustent très précisément la cible avant le tir
L'intérieur de la chambre, où des robots ajustent très précisément la cible avant le tir © CEA - Mathias Scandura

Mieux comprendre la formation des étoiles

Toutes ces étapes sont dirigées à distance depuis le poste de commande. Manuel Valls lui-même avait pu lancer un tir d’un clic de souris lors de sa venue en octobre 2014. Mais l’ensemble du processus dure environ... 6 heures. On ne peut donc effectuer plus d’un tir par jour. "La préparation mobilise une centaine de personnes et le tir en lui-même, une vingtaine de salariés", précise Jean-Pierre Giannini, le directeur du centre. "La seule chose qui déçoit les visiteurs, c’est l’absence de vibrations et de bruit. A tel point que nous nous demandions si nous n’allions pas rajouter de faux effets sonores type sabre laser !", lâche-t-il en plaisantant.

Une cible du laser. Sa puissance exceptionnelle lui permet de porter la matière dans des états extrêmes.
Une cible du laser. Sa puissance exceptionnelle lui permet de porter la matière dans des états extrêmes. © CEA

Financé par la région, l’Etat et l’Europe, le laser Petal est entièrement dédié à la recherche civile et ses applications sont multiples. Dans le domaine de l’astrophysique de laboratoire d’abord, car il permet de porter la matière dans des états extrêmes, que l’on rencontre, par exemple, au cœur des étoiles. "Petal pourrait ainsi servir à expliquer la formation des étoiles et du cosmos", nous explique Thierry Massard, le directeur scientifique des applications militaires du CEA. Mais pas seulement. "Les phénomènes magnétiques comme l’éruption solaire restent largement inexpliqués. Notre laser servirait aussi à comprendre leur origine".

Petal ouvre également des voies prometteuses en matière de production d’énergie. Car il va être l’occasion de tester la fusion par confinement inertiel. Une technologie qui ne produit pas de déchets radioactifs et possède un haut rendement énergétique. Elle pourrait déboucher d’ici quelques dizaines d’années sur des centrales d’un nouveau genre.

Quatre premiers projets académiques ont été sélectionnés avec des expériences qui débuteront fin 2016. Une chance et une grosse pression pour les chercheurs : ils n’auront droit qu’à six tirs laser sur cette installation exceptionnelle. Pas question de les manquer !

Amélie Charnay