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Apple refuse d'aider le FBI à déchiffrer le smartphone d’un terroriste de San Bernardino

Une équipe du FBI sur la scène du crime de San Bernardino au mois de décembre dernier.

Une équipe du FBI sur la scène du crime de San Bernardino au mois de décembre dernier. - JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Une juge américaine veut obliger la firme à accéder au contenu du smartphone de l’un des auteurs de l’attaque de San Bernardino. Mais Tim Cook vient de publier une lettre ouverte pour signifier son opposition.

La nouvelle est tombée il y a quelques heures: la justice américaine intime l’ordre à Apple de collaborer avec le FBI dans l’affaire San Bernardino. L’objectif? Pénétrer dans le contenu du smartphone chiffré de l’un des terroristes. Apple disposait de cinq jours pour contester cette décision. Le patron de la firme Tim Cook n’aura pas tardé à réagir: il a mis aussitôt en ligne une lettre ouverte où il exprime son refus de collaborer.

"Le gouvernement des Etats-Unis a demandé qu’Apple prenne une mesure sans précédent qui menace la sécurité de nos clients. Nous nous opposons à cette décision, qui peut avoir des répercussions allant bien au-delà de ce cas spécifique", écrit Tim Cook. Et d’appeler à un grand débat national avec ses clients et toute la population américaine.

Un iPhone 5C résiste toujours au FBI deux mois après les faits

Un bras de fer judiciaire va donc maintenant s’engager entre Apple et le FBI.

Le FBI décline un argument massue : deux mois après la tragédie, ses agents n'ont toujours pas réussi à pénétrer l'un des smartphones des terroristes, en l'occurrence un iPhone 5C. Ce problème technique bloque donc l'avancée de l'enquête.

La décision de la juge Sheri Pym prévoit qu’Apple fournisse un logiciel utilisable seulement sur cet appareil précis, et permette ainsi aux enquêteurs de le déverrouiller. Ce logiciel aurait pour fonction principale de passer outre un système de protection (disponible dans la section réglages/Touch ID et Code) qui efface toutes les données de l'appareil au bout de dix mots de passe erronés. Cela permettrait aux autorités de trouver le mot de passe par la "force brute" en essayant toutes les combinaisons possibles.

Depuis les révélations par Edward Snowden de l’espionnage de masse de la NSA, les utilisateurs de smartphones ont exprimé le besoin de sécuriser davantage leurs informations personnelles et le chiffrement est devenu un argument marketing pour les fabricants de smartphones et les éditeurs de systèmes d’exploitation. Pour le plus grand malheur du FBI et des agences gouvernementales en général qui ne cessent de militer pour avoir accès au contenu des appareils en cas de mandat judiciaire.

Apple veut continuer à protéger la vie privée de ses utilisateurs

Dans sa lettre, Tim Cook souligne que les smartphones sont devenus une part essentielle et intime de la vie des gens. Toutes leurs informations personnelles ont donc besoin d’être protégées. La firme, qui renouvelle sa condamnation de l’attaque de San Bernardino, affirme avoir déjà largement collaboré avec le FBI dans les jours qui ont suivi l’attaque. "Nous n’avons aucune sympathie pour les terroristes", rappelle Tim Cook. "Quand le FBI nous a demandé des données qui étaient en notre possession, nous les avons fournies", ajoute-t-il, assurant qu'Apple a fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider l'agence.

"Mais, maintenant, le gouvernement américain nous demande quelque chose dont nous ne disposons tout simplement pas et que nous considérons comme trop dangereux de créer : une porte dérobée sur l’iPhone", écrit encore le patron d'Apple. "Plus spécifiquement, le FBI veut que nous développions une nouvelle version du système d'exploitation, contournant plusieurs dispositifs importants de sécurité et que l'on puisse installer lorsqu'un iPhone est récupéré lors d'une enquête. Dans de mauvaises mains, ce logiciel -qui n'existe pas aujourd'hui- aurait le potentiel de déverrouiller n'importe quel iPhone qui serait en la possession physique de quelqu'un". Tim Cook pense, en outre, qu'il n'y aucune garantie pour que cette porte dérobée ne soit utilisée que dans certains cas circonstanciés. Cela reviendrait à ce qu'Apple hacke ses propres clients et pourrait créer un dangereux précédent.

Tim Cook termine sa lettre ouverte en déroulant un scénario à la George Orwell. Si le FBI obtient ce qu'il veut, il pourrait ensuite demander à Apple d'intercepter les messages, d'accéder aux dossiers de santé ou aux données financières, de suivre la position des gens ou même d'accéder à leur micro ou leur appareil photo à leur insu. Apple, garant des droits et des libertés des citoyens américains ?

Amélie Charnay