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#UnBonJuif : quelles limites à la liberté d'expression pour Twitter?

L'oiseau bleu, célèbre logo du réseau social Twitter.

L'oiseau bleu, célèbre logo du réseau social Twitter. - -

Le réseau social avait rendez-vous au tribunal mardi, assigné par l'UEJF, pour évoquer les dérapages antisémites repérés en octobre dernier.

Les limites posées par la loi française à la liberté d'expression s'appliquent-elles à Twitter? Le débat a opposé mardi les avocats de la société américaine et de plusieurs associations, dont l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), la justice devant se prononcer le 24 janvier.

Le réseau social américain a été assigné en justice par plusieurs associations, dont l'UEJF, après la diffusion en octobre de tweets antisémites reprenant les mots clés #unbonjuif et #unjuifmort.

"Il y a eu une déferlante de tweets" constituant "un concours d'antisémitisme", a regretté Me Alexandre Braun, avocat de SOS Racisme, lors de l'audience de référé (procédure d'urgence) au tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

Communiquer le nom des auteurs de ces tweets

La plateforme de microblogging a retiré ces tweets litigieux, mais elle a encore fait parler d'elle depuis, avec d'autres tweets sous les mots clés #unbonnoir et, le week-end passé, #siJetaisNazi.

Les associations veulent que la justice française ordonne à Twitter de leur communiquer les données permettant d'identifier les auteurs de tweets litigieux, afin de pouvoir les poursuivre devant les tribunaux.

Elles veulent également obtenir la mise en place d'un dispositif efficace permettant aux utilisateurs de signaler au réseau social les contenus illicites "tombant sous le coup de l'apologie des crimes contre l'humanité et de l'incitation à la haine raciale".

"L'objectif est de mettre un terme au sentiment d'impunité à l'origine de bon nombres de dérives", a plaidé l'avocat de l'UEJF, Me Stéphane Lilti.

Twitter invoque le Premier amendement américain

Mais l'avocate de Twitter, Me Alexandra Neri, a affirmé que la société ne pouvait pas communiquer les données demandées sans le feu vert de la justice américaine. Ces "données sont collectées et conservées aux Etats-Unis" par Twitter, société basée à San Francisco et soumise à la loi américaine, a-t-elle fait valoir.

"Dois-je me soumettre à la loi des différents pays où j'exerce? Je ne sais pas", a-t-elle dit. Il y a selon elle "un énorme vide, un point d'interrogation" auquel le juge des référés n'est pas "compétent" pour répondre.

Selon cette avocate, il devrait donc se déclarer incompétent et renvoyer l'affaire à une audience sur le fond, qui n'aurait pas lieu avant plusieurs mois. S'il choisissait néanmoins de se prononcer, il faudrait selon elle "une commission rogatoire" pour que la justice américaine récupère les données, ou une procédure "d'exequatur" aux Etats-Unis afin que le jugement français soit ratifié par un juge américain.

Cette procédure serait "longue et coûteuse, et se heurterait aux disparités de conception de la liberté d'expression des deux côtés de l'Atlantique", a objecté Me Lilti, soulignant que "le Premier amendement de la Constitution américaine organise une liberté d'expression quasiment sans limites".

La juge Anne-Marie Sauteraud rendra sa décision le 24 janvier.