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Peng! un collectif qui veut inciter les espions high-tech à démissionner

Jérémie Zimmermann au FIC 2016

Jérémie Zimmermann au FIC 2016 - GK

Le collectif berlinois Peng! veut aider les agents secrets moralement atteints à quitter leur travail. En France, il s'est invité par surprise lors du Forum international de la cybercriminalité.

Grande stupeur au Forum internationale de la cybercriminalité (FIC 2016). Lundi dernier, lors de la conférence plénière, Jérémie Zimmermann, défenseur des droits citoyens et membre de la Quadrature du Net, a incité les agents qui œuvrent pour la surveillance de masse à démissionner pour raison morale. "Lorsque vous vous trouvez confrontés à une dissonance cognitive car on vous demande de violer chaque jour les valeurs que vous vous êtes engagés à respecter et à défendre, eh bien il y a une solution simple qui fait du bien, c’est de quitter son boulot. Et ça, c’est un choix qui moralement est tout à fait acceptable. Lorsque l’éthique est à ce point bafouée, c’est une question que chaque individu a le droit de se poser", s’est exclamé Jérémie Zimmermann devant une salle remplie d’officiers des forces de l’ordre. Effet surprise garanti.

Cette intervention était loin d’être gratuite et découle d’une démarche mise en œuvre depuis quelques mois par le collectif berlinois "Peng!", un rassemblement d’activistes spécialisés dans les coups médiatiques subversifs. Et leur dernière campagne, c’est justement "Intelexit", un programme d’aide et de soutien dédié aux agents secrets qui souhaiteraient tourner le dos à l’espionnage de masse. "J'ai moi aussi déjà rencontré des agents qui ne se sentent pas à l'aise avec ce qui se passe actuellement. Mais quitter le renseignement n'est pas facile. Ceux qui l'ont fait ont été la cible de menaces et de harcèlements, voire d'un procès pour espionnage. L'objectif d'Intelexit est de leur faciliter ce processus en les mettant en contact avec un réseau d'experts", explique Jérémie Zimmermann, qui a décidé de prêter main forte à cette démarche.

Des parrains célèbres

Au départ, cette opération n’était – comme les autres du collectif Peng! –qu’à moitié sérieuse. Mais rapidement, elle a réussi à agréger des forces vives diverses et variées : avocats, journalistes d’investigation, psychologues, etc. Le collectif a même réussi à se faire parrainer par quelques célébrités du monde de la sécurité informatique, tel que le cryptologue Bruce Schneier ou le lanceur d’alerte Thomas Drake, ex-agent de la NSA. Un site web est rapidement monté avec une belle signature de marque : "Intelexit, the backdoor to democracy" ("Intelexit, la porte dérobée vers la démocratie"). Un site sécurisé en .oignon est également créé, pour permettre les prises de contact anonymes.

Depuis septembre dernier, les actions se sont multipliées. Les activistes d'Intelexit se sont déplacés en camion publicitaire à proximité du siège de la NSA à Fort Meade, ils ont distribué des flyers devant le siège du GCHQ à Cheltenham, ils ont planté des panneaux publicitaires devant des casernes et des ambassades américaines, ils ont même procédé à un lâcher de flyers par drone au-dessus du Dagger Complex, un centre de la NSA en Allemagne.

A proximité de Fort Meade
A proximité de Fort Meade © Intelexit
Devant le siège du GCHQ
Devant le siège du GCHQ © Intelexit

Mais au final, quel est le résultat de ces actions? "Plusieurs contacts ont été établis, dont deux pour lesquels nous pensons qu'ils ne sont pas bidons. C’est-à-dire qu'il ne s'agit ni de fous, ni d'infiltrés", souligne Jérémie Zimmermann. Pour pouvoir aller plus loin dans cette démarche, le collectif souhaite désormais donner à Intelexit une véritable existence juridique sous la forme d'une fondation. Il veut également multiplier les contacts avec les agents par la mise en place d'un call center anonyme. Affaire à suivre.