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LibreTaxi, l'Uber anarchiste

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Cette application intégrée à la messagerie Telegram met en relation clients et chauffeurs n'importe où dans le monde, sans prélever de commission ni effectuer la moindre vérification sur le profil des conducteurs.

Les applications de VTC comme Uber ou Chauffeur Privé ont réussi à concurrencer les taxis en proposant un service technologiquement plus pratique, mais aussi en s'affranchissant de certaines réglementations, ce qui leur a permis de proposer des prix compétitifs. Et si ces plateformes étaient à leur tour concurrencées par un service encore moins régulé, voire anarchique ? 

C'est un peu ce que propose LibreTaxi, qui se présente comme une alternative "gratuite et open source" à Uber. LibreTaxi fonctionne depuis l'application de messagerie anonyme Telegram, disponible sur Android et iOS. Il s'agit d'un "chat bot", ou agent conversationnel: un programme qui fonctionne sous forme de discussion instantanée. Il pose des questions et l'utilisateur choisit entre plusieurs réponses prédéfinies. Conformément au principe des technologies open source, chacun est libre de recréer l'application et de l'adapter à sa guise.

On négocie le prix

Comme n'importe quelle application de VTC, LibreTaxi demande à l'utilisateur où il se trouve (il peut partager sa géolocalisation), puis où il souhaite se rendre, et le met en relation avec un chauffeur dans les environs. La différence majeure se situe dans le prix et le paiement: le client indique combien il souhaite payer, le chauffeur peut ensuite accepter ou négocier. Le paiement s'effectue en liquide (Libretaxi devrait à terme proposer de régler via la monnaie électronique bitcoin).

LibreTaxi, qui n'est pas une entreprise et n'a pas vocation à générer des revenus, ne prend aucune commission sur les trajets. De quoi proposer des prix compétitifs, quand on sait qu'Uber prélève, selon les marchés, une commission allant de 20 à 30% (25% en France) de chaque course. 

Aucune régulation

Si son utilisation se développait, ce service aurait de quoi agacer les VTC, les taxis et les régulateurs. Aucune vérification n'est effectuée sur le profil, les qualifications ou le véhicule des chauffeurs: un délinquant mutlirécidiviste pourrait tout à fait rouler dans une épave, sans permis ni assurance. L'absence de paiement en ligne et l'anonymat offert par Telegram rendent les chauffeurs difficilement traçables.

Si LibreTaxi a le potentiel d'aider à structurer un marché noir du transport, l'application a été créée pour des raisons bien plus honorables: apporter le services des applis VTC, qui ne servent que les grandes agglomérations, dans des zones reculées de pays en développement. Son créateur, le développeur Roman Pushkin, a grandi en Sibérie et affirme avoir vécu dans dix pays dont l'Inde et le Népal, avant de s'installer à San Francisco. 

Servir les endroits délaissés par les VTC

"A ma surprise, lorsque je suis retourné dans mon village natal il y a deux ans, personne ne savait ce qu'était Uber," raconte Roman Pushkin sur Medium. "J'ai expliqué aux habitants comment fonctionnait tout le modèle économique et j'ai eu des retours très positifs". "Ce serait bien d'avoir ça ici", lui aurait dit un fermier russe. 

Comme Libretaxi n'est rattaché à aucune entreprise qui décide sur quel marché s'implanter ou non, le service peut fonctionner n'importe où dans le monde, tant qu'il y a des chauffeurs et des clients. La seule limitation reste la langue. LibreTaxi fonctionne pour l'instant en Anglais, Russe, Indonésien, Portugais, Espagnol et recherche des traducteurs bénévoles afin de prendre en charge d'autres langues.

Lucide, Roman Pushkin sait qu'il ne concurrencera jamais Uber dans les grandes villes. "Mon budget marketing est plus que modeste [et] zéro régulation semble un peu extrême," reconnait-il. Il espère au moins que des communautés s'organiseront autour de son application dans des régions reculées où aucune alternative n'existe.

Jamal El Hassani