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Vie numérique

Il s'est fait dérober son smartphone... pour en faire un film

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- - Anthony van der Meer

Que deviennent les téléphones dérobés ? Qui sont les personnes qui s’en emparent ? Le Néerlandais Anthony van der Meer répond à ces questions dans un court métrage retraçant le parcours du voleur de son smartphone.

17 portables sont volés chaque jour à Amsterdam. A la perte matérielle parfois coûteuse de l’objet, s’ajoute le risque de voir ses données personnelles exposées ou exploitées frauduleusement par un étranger. Parce qu’il s’est senti atteint dans son intimité lorsqu’il s’est fait dérober son iPhone dans un restaurant, le Néerlandais Anthony Van der Meer a décidé de jouer à l’arroseur arrosé... en suivant à la trace un voleur de smartphone. Il en a tiré le court métrage "Find my Phone" que l'on peut visionner sur YouTube.

Pour ce faire, il a acheté un téléphone Android qu’il a placé en évidence, dépassant d'une poche de son sac à dos. Et a parcouru de nombreux lieux publics à Rotterdam, puis Amsterdam, dans l’attente de se faire voler. Chose faite après quatre jours sans aucun souci. Son espoir ? Dresser le portrait du larron en l’épiant à son insu.

Le jeune réalisateur avait préalablement équipé son appareil de l’application anti-vol Cerberus, qui permet de photographier le contrevenant, de le géolocaliser, voire même de prendre le contrôle à distance du téléphone lorsqu’il est connecté à internet. Il a aussi fait en sorte que l’application ne puisse être supprimée lors de la réinitialisation de l'appareil. Anthony Van der Meer s’attendait à ce que le voleur revende le téléphone ou qu'il finisse en pièces détachées. Mais c’est tout le contraire qui s'est produit.

Une quête éperdue

En confrontant des photos de l’utilisateur avec les images de vidéosurveillance du vol, il constate que l'homme a gardé le smartphone et s’en sert personnellement. Il va mettre quelques jours tout de même avant d’effacer les photos et vidéos de Van der Meer, puis se l’approprier progressivement et entrer timidement ses propres contacts, envoyant enfin des messages texte.

Le réalisateur écoute ses conversations téléphoniques, lit ses SMS, suit ses déambulations dans Amsterdam et d'autres villes, tire son portrait, le filme même en train de se masturber alors qu'il utilise des services pornographiques. Tout cela avec une simple application à disponibilité de tous sur le web. Flippant, certes.

Mais au final, la leçon de cette expérience est probablement ailleurs. Van der Meer s’attache et à commence à s’apitoyer le sort du voleur... finissant même par croire qu’il le connaît bien. Il s'agit d'un immigré d’origine égyptienne sans domicile fixe, qui paraît pauvre, triste et isolé. Jusqu'au jour où Van der Meer se rend devant l’un des foyers où il a l'habitude de résider. Il se retrouve alors face à lui. L'homme est athlétique et son regard agressif. Il paraît très loin de la figure fragile que van der Meer avait imaginée.

Le jeune homme se rend compte qu'avoir espionné ce dernier ne lui a fourni que des bribes d'informations sur sa personne et qu'il ne le connaît pas vraiment. Il a beaucoup projeté ses propres sentiments sur lui, y compris la culpabilité de l'avoir ainsi intimement épié.

La morale de l'histoire est plutôt rassurante : toutes les données personnelles centralisées sur notre smartphone ne suffisent pas à résumer qui nous sommes. Les géants du web auront beau traduire en algorithmes nos communications et les traces informatiques que nous laissons, l'essence même de notre personnalité continue de leur échapper et ne saurait être mieux appréhendée qu'à travers de véritables interactions...

Amélie Charnay