Tech&Co
Nouveautés Produits

Far Cry Primal : comment Ubisoft a réinventé une langue préhistorique pour un jeu vidéo

-

- - Ubisoft

Première grosse sortie jeu vidéo de l’année, Far Cry Primal nous plonge aux origines de l’homme, à l’époque de la Préhistoire. Et pour nous garantir une immersion des plus totales, Ubisoft a remis au goût du jour, à l’aide d’une équipe de linguistes, une langue morte depuis des millénaires.

"Kuspa gwam. Aysh kawha waydam!" Plaît-il? Serait-ce une incroyable série de fautes de frappe? Non. Le résultat de l’endormissement soudain de l’auteur de ses lignes sur son clavier, front devant? Non plus. Il s’agit d’une phrase en dialecte Wenja, l’une des langues couramment parlées dans Far Cry Primal, le dernier jeu d’aventure à la première personne d’Ubisoft. Et si tout cela ne vous dit rien, c’est tout à fait normal : on parle là d’une langue… préhistorique !

Le proto-indo-européen, mère de toutes les langues

Retrouver un tel dialecte dans ce nouvel épisode de Far Cry coule de source, puisque Primal nous plonge littéralement à l’âge de pierre, dans la peau d’un homme de Cro-Magnon soucieux de survivre et prospérer au milieu d’un habitat naturel hostile. Mais là où Ubisoft aurait pu se contenter de mettre le paquet sur la mécanique de jeu - à l’image de l’armement de l’époque (gourdin, flèches, sagaies) et du danger environnant (loups, ours, mammouths et… humains cannibales) -, l’éditeur a choisi de jouer jusqu’au bout la carte de l’authenticité.

"On voulait que l’immersion soit totale, avec un langage que l’on utiliserait à travers tout le jeu", nous explique Jean-Sébastien Decant, le directeur narratif de Primal. Alors, plutôt que d’en créer un de toutes pièces, Ubisoft a choisi de ranimer une langue morte. Et pas n’importe laquelle, le proto-indo-européen. "C’est une langue qui est censée être la mère de toutes les langues, avant la séparation entre les langages européens et arabes, explique Jean-Sébastien Decant. Elle a une syntaxe, un rythme, du vocabulaire qui, à la fin, va sonner terriblement familier à tout le monde". 

Savoir faire du feu, une figure imposée de la survie dans Far Cry Primal...
Savoir faire du feu, une figure imposée de la survie dans Far Cry Primal... © Ubisoft

Pas une mais trois langues

Deux linguistes de l’Université du Kentucky, Andrew et Brenna Byrd, se sont attelés à réveiller cette langue. "Ce travail, aussi bien en tant que linguiste que joueur, c’était un rêve devenu réalité, confie Andrew Byrd. La formidable possibilité que Far Cry Primal nous a offerte de présenter l’indo-européen à des millions de personnes était particulièrement enthousiasmante. Beaucoup de gens n’ont pas idée que l’anglais, le français et l’hindi ne constituaient, dans le temps, qu’une seule et même langue."

Ce n’est pas un mais trois langages, tous dérivés du proto-indo-européen que le duo de linguistes, épaulés par trois traducteurs, ont recréé. Trois dialectes volontairement bien distincts puisque chacun embrasse une évolution de l’homme préhistorique : le chasseur (le Wenja), le cannibale (l’Udam) et l’esclavagiste (l’Izila). Pas moins de deux mois de travail ont été requis pour jeter les bases de ce travail linguistique, qui aura rythmé les deux ans de développement de Far Cry Primal.

Pour quel effet ? Entendre Takkar, le héros du jeu, converser dans une langue totalement inconnue avec les autres personnages rencontrés en cours de partie, renforce indéniablement le côté singulier et unique de ce jeu.

Le "movement coach" des films Marvel à la rescousse

Mais l’impact de cette langue "ressuscitée" n’aurait pas été si fort sans les mimiques des uns et des autres. "Parler une langue inconnue et qu’ils ne comprenaient pas a été un gros défi pour les acteurs", confesse Jean-Sébastien Decant. "Mais il a aussi fallu travailler sur le mouvement, afin de se débarrasser des attitudes modernes, d’autant que les acteurs sont très vite, naturellement, allés vers quelque chose de simiesque. On avait très peur de tomber dans la caricature." Ubisoft a donc fait appel à un "movement coach", Terry Notary, à qui l’on doit la gestuelle des chimpanzés de la Planète des Singes mais aussi celles des différentes créatures entrevues ici et là dans les derniers films Marvel.

Chaque langue est sous-titrée. Mais l’expression du visage des personnages permet largement de deviner leurs propos.
Chaque langue est sous-titrée. Mais l’expression du visage des personnages permet largement de deviner leurs propos. © Ubisoft

"Il travaillait sur Suicide Squad à ce moment-là mais il a été tellement excité par le projet qu’il a accepté de nous donner ses week-ends pour venir avec nous et définir plus précisément ce que serait les mouvements des différentes tribus et le type d’attitude que les acteurs devraient adopter", raconte le directeur narratif de Primal.

Un travail de longue haleine, auquel le joueur ne fera peut-être, finalement, même pas attention. "Ce n’est pas grave", assure Jean-Sébastien Decant. "On fait beaucoup d’efforts pour que l’arrière-plan soit le plus réaliste et le plus immersif possible. Si les joueurs ne s’en rendent même pas compte mais que cela participe quand même à 1 % de leur plaisir de jeu, j’en suis heureux."

Ubisoft et les équipes de Jean-Sébastien Devant ont-il réussi leur coup ? Il ne vous reste plus qu’à vous faire vous-même une idée de cette immersion quasi-totale dans l’univers de la Préhistoire. Far Cry Primal est disponible sur PS4 et Xbox One depuis le 23 février.