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Facebook est-il responsable de l'élection de Donald Trump ?

La page Facebook de Donald Trump.

La page Facebook de Donald Trump. - SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

C'est ce qu'affirment certains outre-Atlantique, fustigeant le laisser-faire de Facebook au sujet des fausses informations qui pullulent sur le réseau social. Une idée "complètement folle" pour le PDG de Facebook.

Après le choc de l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, l’heure est à la recherche de coupables plutôt qu’à la remise en question chez certains déçus de l’issue de scrutin. Plusieurs tribunes publiées Outre-Atlantique, tout comme des messages d’internautes sur les réseaux sociaux pointent Facebook du doigt. Le réseau social est accusé d’avoir favorisé l’élection du candidat républicain en laissant se propager, voire en mettant en avant, de fausses nouvelles sans distinction avec des informations véridiques provenant de médias fiables.

Le PDG et fondateur de Facebook Mark Zuckerberg a réagi à ces accusations lors d’une conférence technologique à laquelle il participait le 10 novembre, en Californie. "L’idée selon laquelle de fausses informations sur Facebook, qui ne sont qu’une petite partie du contenu, ont influencé l’élection d’une manière ou d’une autre, est complètement folle", a-t-il déclaré d’après The Verge. "Les électeurs décident en fonction de leur vécu." 

"Profond manque d'empathie"

Pour Mark Zuckerberg, "il y a un profond manque d’empathie lorsqu’on dit que la seule raison pour laquelle quelqu’un aurait voté comme il l’a fait est qu’il a vu de fausses informations". "Si vous croyez ça, alors je pense que vous n’avez pas assimilé le message que les soutiens de Trump ont essayé d’envoyer durant cette élection," estime le PDG de Facebook.

Pour comprendre cette mise en cause de Facebook, il faut connaître les déboires d’une fonctionnalité du réseau social disponible aux Etats-Unis, mais pas en France: la section "Trending Topics", qui affiche les sujets d’actualité les plus discutés sur Facebook. C’est du moins ce que Facebook affirmait, jusqu’à ce qu’il soit révélé en mai 2016 par d’anciens employés que la liste des sujets de cette section était fréquemment manipulée pour en ajouter ou en supprimer. Après ces révélations, Facebook a été accusé de biais, car des sujets conservateurs étaient régulièrement retirés de la liste des articles les plus discutés du jour.

Accusé de favoriser la gauche, puis la droite

Face au tollé, Facebook a pris une décision radicale: tous les journalistes qui travaillaient pour la section Trending Topics ont été licenciés. Afin d’éliminer tout biais, Facebook a préféré laisser ses algorithmes sélectionner les articles populaires, avec l’aide d’équipes techniques.

Sauf que l’une des tâches des journalistes était de s’assurer de la véracité des informations, afin de ne pas mettre en avant un article, certes parmi les plus lus et discutés du jour, mais dont les informations s'avéreraient fausses. C’est exactement ce qu’il s’est passé depuis leur départ au mois d’août: des articles racontant de fausses histoires apparaissent fréquemment sur la section Trending Topics, quand il ne s’agit pas carrément de communiqués de presse ou de posts de blogs.

La gauche aussi manipule sur Facebook

Aujourd’hui, après l’élection de Donald Trump, Facebook n’est plus accusé de censurer la droite américaine comme il y a quelques mois, mais d’avoir favorisé sa victoire. Car en plus de la section Trending Topics défaillante, il y a aussi tous les articles partagés par des pages Facebook suivies par des millions de personnes qui véhiculent sciemment des fausses histoires, quand elles ne les construisent pas de toutes pièces, et fonctionnent de manière à générer le plus grand trafic possible sur Facebook.

Pourtant, ces pages ne sont pas l’apanage de la droite américaine, leurs pendants à gauche existent aussi. Même si d’après une enquête de Buzzfeed News, les plus grosses chaînes Facebook de droite publient plus souvent des articles faux ou trompeurs que celles de gauche, à raison de 38%. Les pages Facebook de gauche ne sont pas en reste: elles publieraient 20% d’histoires fausses ou trompeuses.

Laisser faire ou censurer ?

Bien que Mark Zuckerberg rejette l’influence de son réseau social sur l’élection, Facebook a reconnu par la voix de son vice-président (en charge de la gestion des produits) Adam Mossseri qu’il fallait en faire "tellement plus" pour éviter la propagation de fausses informations, sans préciser comment. Le problème paraît difficile à résoudre: il est impossible que des humains suivent en permanence tout Facebook et vérifient les informations contenues dans chaque article partagé sur le réseau social. La tâche serait sans doute confiée à un algorithme.

Comme l’ont montré les erreurs dans la section Trending Topics ainsi que les censures d'une photographie de guerre et de la vidéo d'une campagne de prévention du cancer du sein, le traitement algorithmique a ses limites. De véritables articles informatifs pourraient aussi être supprimés ou masqués dans les flux d’actualité des utilisateurs. Laisser faire la désinformation ou agir au risque de passer pour un censeur, voilà le dilemme de Facebook.

Jamal El Hassani