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Snowden n'a pas encore lâché un seul nom

Edward Snowden

Edward Snowden - -

Depuis sa fuite hors du territoire des États-Unis vers la mi-mai, le consultant informatique de l'agence nationale de sécurité (NSA) n'a pas nommé d'individus: ni des gens espionnés, ni des espions.

Le départ de Hong Kong d'Edward Snowden, l'informaticien à l'origine des révélations sur le programme Prism, constitue un revers pour Barack Obama.

Avant toute chose dans cette affaire, il faut comprendre une nuance: l'espionnage que le gouvernement américain effectue envers les individus ne concerne que les métadonnées: les numéros composés, les numéros reçus, les SMS, les courriels. En recoupant ces métadonnées, l'on lie énormément de monde à énormément de monde.

À sa décharge, le gouvernement fédéral répète que les métadonnées ne concernent que la forme, et non pas le contenu, de ces communications. Il ne s'agit pas d'écoutes téléphoniques, ni de violations de courriels.

200 millions de personnes concernées

Edward Snowden dit detenir des documents compromettants. Toutefois, selon le Guardian, le Washington Post et le South China Morning Post - les trois journaux auxquels il s'est confié - seuls quelques documents administratifs voyagent avec le fugitif. Certains ont déjà été publiés dans le Guardian! Des documents signés par les diverses agences et instances judiciaires (semi-secrètes) qui confèrent le pouvoir de récolter des métadonnées sans grande entrave administrative. Il faut être spécialiste, ou du moins très averti, pour les comprendre.

Ce sont ces documents administratifs qui sont la moitié de la bombe de Snowden. L'autre moitié, ce sont ses souvenirs d'agent informatique de la CIA, où il a travaillé avant d'être consultant privé rattaché à la NSA. Résultat de ces deux moitiés: le gouvernement fédéral récolte nos métadonnées. (Le gouvernement prétend tout purger tous les cinq ans).

Qui se trouve "récolté"? Toute personne qui échange avec l'étranger, ce qui fait fait beaucoup de monde. 200 millions en vérité. Peu importe si le citoyen n'est soupçonné d'aucune accointance avec des malfaiteurs terroristes, s'il appelle le Pakistan ou le Maroc même une fois, cela intéresse.

Une couverture administrative kafkaïenne

Juridiquement, l'État fédéral s'est créé une couverture administrative kafkaïenne pour faire marcher son aspirateur à données:

• Le Patriot Act (cette loi quelque peu liberticide et votée à la hâte après le 11 septembre 2001, et qu'Obama n'a pas pleinement abrogé) alinéa 215: le FBI peut ordonner la délivrance de toutes métadonnées.

• FISA 2008: dès qu'une partie dans un échange de communication est étrangère, une agence fédérale peut saisir les métadonnées sans demander à personne.

• PRISM: ce programme de la NSA permet d'ordonner - oui, ordonner - aux réseaux sociaux et aux fournisseurs d'adresses de courrier électronique de livrer les infos de leurs clients. C'est ce programme qui est la goutte qui a fait déborder le vase dans l'esprit d'Edward Snowden.

Patriot + FISA 2008 + PRISM: tout peut être saisi.

50 attentats auraient été déjoués

En outre, pour citer le Center for Democracy and Technology, les agents de renseignement fédéraux n'utilisent, de leur propre aveu, qu'à peine 1% des données. Donc cette cueillette d'informations, que l'on purge théoriquement tous les cinq ans, est hypertrophiée, et donc suspecte.

Comme le dit Snowden dans aux journaux: en gardant des métadonnées sur 200 millions de personnes, les agences peuvent composer des portraits désobligeants des citoyens et les faire chanter.

Comment répliquent les directeurs de toutes ces agences fédérales: grâce à ce système, cinquante attentats ont été déjoués!

Saura-t-on un jour lesquels? Toujours est-il que le gouvernement fédéral inculpe Snowden d'espionnage en vertu du Espionage Act de 1917 amendé. Snowden a-t-il livré des secrets d'États à une puissance étrangère, la chose paraît de la dernière improbabilité. L'affaire Snowden commence à entrer dans l'histoire.


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Harold Hyman