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Bitcoin: où sont passés les 440 millions de dollars perdus par MtGox?

Derrière la bonne humeur de façade, les utilisateurs de bitcoins sont inquiets. Ils se sont réunis à Tokyo, ce 27 févier. Ici, James MacWhyte, l'un des membres d'un club d'échanges "Bitcoin Tokyo".

Derrière la bonne humeur de façade, les utilisateurs de bitcoins sont inquiets. Ils se sont réunis à Tokyo, ce 27 févier. Ici, James MacWhyte, l'un des membres d'un club d'échanges "Bitcoin Tokyo". - -

Certains diront après coup que cela devait arriver. Le principal bureau de change de la monnaie virtuelle Bitcoin, géré par le Français Mark Karpelès, est la proie de graves difficultés. La somme potentiellement perdue est colossale et les détenteurs de bitcoin très inquiets. On fait le point.

La somme convertie en dollars américains, soit 440 millions, est astronomique. Elle est à la hauteur de la folie Bitcoin, cette monnaie virtuelle qui échappe aux règles traditionnelles de la finance. Quelque 750.000 bitcoins ont disparu du principal bureau de change de cette monnaie virtuelle. Au cœur de la tourmente ressurgit le nom d'un Français, Mark Karpelès. Ce génie de l'informatique qui vit au Japon est en grande difficulté avec sa société MtGox, qui a été jusqu'à récemment le principal bureau de change du bitcoin, puisque 80% des échanges transitaient par ce site en 2013.

Alors que la réputation du bitcoin paraît de plus en plus sulfureuse, puisqu'il est entre autres soupçonné par le Canada de servir au blanchiment d'argent sale et placé sous surveillance en Russie, beaucoup de questions se posent quant à l'avenir même de cette devise pas comme les autres. Décryptage.

> Qu'est-ce au juste que le bitcoin?

• Une monnaie virtuelle. Il s'agit d'une monnaie numérique créée en 2009 à partir d'un codage informatique crypté, par un ou plusieurs informaticiens se cachant derrière le pseudonyme Satoshi Nakamoto. Contrairement aux devises physiques telles que l'euro ou le dollar, le bitcoin et sa zone d'influence ne sont régis par aucune banque centrale ni aucun gouvernement.

• Une monnaie comme une autre ou presque. Comme toutes les autres monnaies, le bitcoin peut être échangé contre des services ou des marchandises ou même d'autres devises, du moment que l'autre partie à la transaction en accepte le principe. Avec un atout: non liée à un Etat, elle ne peut être soumise aux caprices d'un gouvernement qui pourrait par exemple être tenté de la dévaluer pour réduire sa dette.

Que se passe-t-il avec les bitcoins?

• 750.000 bitcoins disparus. Le problème tient à la possible disparition de 6% de la masse totale des bitcoins en circulation, soit 750.000 unités, soit encore 440 millions de dollars, d'après les estimations de MtGox. Cette disparition soudaine est due à une faille de sécurité. Connue depuis 2011, cette faille a été corrigée par les autres sites d'échanges de bitcoins, mais pas par MtGox, la société rachetée en 2011 par le Français Mark Karpelès.

• Une faille de sécurité à l'origine du problème. Si toutes les transactions en bitcoins sont cryptées et identifiées grâce à un numéro unique et consignées dans un registre comptable public, la faille incriminée permettait justement de modifier cet identifiant et de dupliquer l'opération visée par cette manœuvre. D'où les bitcoins manquants à l'arrivée.

• MtGox pointée du doigt. Quand le scandale a éclaté le 7 février dernier et que tous les transferts ont été bloqués du jour au lendemain, Mark Karpelès s'est d'abord défaussé sur Gavin Andresen, le directeur de la fondation scientifique du développement de cette monnaie. Une explication peu satisfaisante qui s'est ensuite transformée, lors d'une interview accordée le 13 février à Forbes, en un début de reconnaissance de sa responsabilité. "Le client bitcoin (NDLR: le logiciel) n'était pas fait pour supporter la charge de trafic que nous avions. Nous avons créé notre propre implémentation pour résoudre ce problème. Nous avons déployé la plupart des mises à jour, mais nous n'avons pas pu suivre le rythme de tous les changements", expliquait ainsi Mark Karpelès.

Qui est Mark Karpelès?

• Un Français surdoué au coeur du scandale. Mark Karpelès, d'après son compte Facebook, est né en 1985 et originaire de Chenôve, en Bourgogne. Petit génie de l'informatique au QI évalué par certains à 190, il passe son baccalauréat avant de travailler pour un site de jeu vidéo. Il passe ensuite quatre ans chez Nexway où ses capacités sont déjà remarquées. En 2007, il fait une apparition dans le documentaire de Canal+ Suck my geek! Il arbore alors le surnom de Magical Tux, en hommage à la mascotte du système d'exploitation Linux, le pingouin Tux.

• A la tête de MtGox depuis 2011. En 2009, il s'installe au Japon et commence à s'intéresser aux monnaies virtuelles lorsque l'un de ses clients demande à être payé ainsi. Il rachète ensuite en 2011 MtGox, qui n'est au départ qu'un site d'échange de cartes à jouer consacré au jeu Magic: The Gathering.

Où sont passé les millions?

"Comme il y a beaucoup de spéculations à propos de MtGox et de son avenir, je voudrais rassurer tout le monde: je suis toujours au Japon et travaille très dur avec divers soutiens pour trouver une solution à nos récents problèmes", a expliqué Mark Karpelès sur le site internet de son entreprise. Pour lui, il s'agit d'un "vol".

En attendant, les rumeurs vont bon train. Un document circulant sur Internet présenté comme un scénario "de sortie de crise" pour MtGox évoque le vol de quelque 750.000 bitcoins, soit environ 440 millions de dollars au taux du bitcoin de jeudi. Certains utilisateurs ont beaucoup perdu, de quelques milliers de dollars, jusqu'à un million pour certains. Cet incident pourrait avoir une conséquence inattendue: normaliser les bitcoins pour en faire une monnaie mieux encadrée.

David Namias