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Donald Trump pourrait changer les règles du Net

Kellyanne Conway et Donald Trump (28/11/2016)

Kellyanne Conway et Donald Trump (28/11/2016) - Twitter (@KellyannePolls)

Le président américain vient de nommer Ajit Pai à la tête de la Commission fédérale des communications. Zélateur de la moindre régulation, l’homme est loin d’être un partisan de la neutralité du Net.

Les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne se contentent plus depuis longtemps de vous permettre simplement de vous connecter à Internet. Ils ont développé leurs propres services ou passé des accords avec des partenaires commerciaux. Sans parler des coûts d'infrastructures ou de la montée en puissance de services gros consommateurs de bande passante. Voilà autant de raisons aux yeux de certains de favoriser certains contenus pour des accès plus rapides, par exemple.

Un fonctionnement qui va à l’encontre de la neutralité du Net, principe selon lequel le réseau ne doit pas altérer le cheminement du contenu, quel qu'il soit. Sans la neutralité du Net, surfer sur Facebook pourrait avoir une allure différente selon que l’on soit chez Orange, Bouygues Telecom, Free ou SFR* et certains opérateurs pourraient décider de couper Netflix aux heures de pointe. On peut même imaginer que certains Etats jouent de leur autorité pour bloquer certains contenus qui leur déplaisent...

Aux Etats-Unis, Ajit Pai est opposé à l’application stricte de la neutralité du Net. L’homme vient d’être nommé président de la Federal Communications Commission (FCC) - le gendarme américain des télécoms - par Donald Trump.

Du côté des fournisseurs

Pai n’est pas un nouveau venu à la FCC. Il avait été nommé commissaire par Barack Obama en 2012 et s’était opposé à la réglementation qui avait fait d’Internet un service d’utilité publique en février 2015. Cette dernière avait pour principal effet de “sacraliser” la neutralité du réseau, comme c’est le cas pour le téléphone ou les services postaux.
Depuis, les fournisseurs d’accès à Internet ne peuvent plus décider de ralentir, bloquer ou privilégier certains contenus. Pour appuyer son opposition à ces nouveaux principes, l’homme avait publié un document de 67 pages sur le site de la FCC.

Dès la troisième page, il regrettait que l’opérateur américain MetroPCS ait été attaqué pour avoir lancé une offre de 40 dollars incluant un accès illimité à YouTube, mais pas aux autres sites de streaming. Une pratique nommée zero-rating et qui consiste à ne pas décompter certains services de la consommation de données du client.
Toujours dans sa défense des opérateurs, il clarifiait son ambition le 19 décembre dernier dans une lettre envoyée à des dirigeants de FAI. “Nous voulons vous assurer que nous ne soutiendrons aucune action pouvant nuire aux petits fournisseurs qui ne respecteraient pas les obligations de transparence et nous chercherons à revoir ces exigences” conclut-il alors.

Surtout, il affirme sa volonté de faire machine arrière sur le classement de l’activité de FAI dans le Titre II de la loi américaine sur les télécommunications.
Or c’est ce texte qui confère à Internet son statut de service d’utilité publique. Autrement dit, Ajit Pai ne s’attaque pas directement à la neutralité du Net… mais milite pour rétablir les conditions de sa remise en cause. Ses propos concernant l’offre YouTube de MetroPCS montrent également que l’intervention d’un fournisseur d’accès à Internet sur les contenus ne lui pose pas problème.

Vers davantage de contraintes en Europe

Aux Etats-Unis comme en Europe, les FAI sont majoritairement opposés à la notion de neutralité du Net qui nuit selon eux à l’innovation, mais aussi à leurs finances.
Avec la popularisation de services de streaming comme Netflix, il leur faut investir toujours plus dans les infrastructures pour assurer des débits convenables à leurs clients. La tentation de créer une “taxe” Netflix (en proposant par exemple son accès en option payante) est donc de plus en plus grande. Outre-Atlantique, Ajit Pai, qui a conseillé l’opérateur Verizon par le passé, pourrait mettre en place cet Internet à deux vitesses.

En Europe, le gendarme des télécoms a dévoilé une feuille de route sur le sujet en août dernier. Loin de la dérégulation désormais prônée par la FCC, elle reprend les principes les plus forts de la neutralité du Net et impose une gestion équitable du trafic entre tous les internautes. Ces directives qui n’ont pas encore été traduites à l’échelle nationale et qui ne demandent qu’à venir étoffer la loi Numérique votée il y a un an. Mais en France comme en Allemagne, des élections se tiendront dans les prochains mois. L’exemple américain montre que la notion d’Internet ouvert est loin d’être définitivement admise.

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https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co