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WikiLeaks est-il en train de devenir fou?

Julian Assange, fondateur de WikiLeaks

Julian Assange, fondateur de WikiLeaks - FABRICE COFFRINI / AFP

Selon de nombreux médias, le site à l’origine de certaines des affaires les plus médiatisées de ces dernières années va trop loin dans la diffusion d’informations personnelles.

La transparence à tout prix. C’est le nouveau credo de l’ONG fondée par Julian Assange en 2006. En dix ans, WikiLeaks a révélé des bavures de l’armée américaine en Irak ou l’espionnage des trois derniers présidents français par la NSA. En devenant la bête noire des gouvernements, le site a également multiplié les collaborations avec les médias américains, allemands, anglais ou français. Mais en quelques semaines, il est passé du statut de lanceur d’alerte à celui de tête brûlée, accusée de mettre des vies en danger.

Des données sensibles sur des citoyens saoudiens

Il y a un an, l’organisation révélait des documents concernant la promotion de l’islamisme par l’Arabie saoudite à travers le monde. En épluchant les données, l’agence Associated Press a retrouvé des informations personnelles de centaines de citoyens étrangers à l’affaire. Certains ont vu leur dossier médical ou des éléments concernant leur situation financière rendus public.

Pour d’autres, les données étaient encore plus sensibles. L’agence américaine rapporte le cas de deux adolescents victimes de viols dont les noms ont été cités, tout comme celui d’un saoudien arrêté pour homosexualité. Un problème dans un pays où être gay peut être passible de la peine de mort.

Face à l'article d’Associated Press, les réponses de WikiLeaks sont spartiates. L’auteur du papier affirme n’avoir pas pu obtenir de réponse de la part de Julian Assange. Le compte Twitter de l’ONG s’est fendu d’un message expliquant que ces informations étaient déjà accessibles au gouvernement saoudien avant leur révélation. WikiLeaks va jusqu’à évoquer une récupération politique dans le cadre de la campagne présidentielle américaine. Un argument plein d’ironie, après que le site a publié des documents concernant le Parti démocrate aux Etats-Unis dans un timing parfaitement calculé.

Au cœur de la campagne américaine

En sortant des milliers de mails internes, le site mettait en évidence la partialité du parti en faveur d’Hillary Clinton, aux dépens de son rival Bernie Sanders. Avec comme dénouement la démission de la présidente du parti, Debbie Wasserman Schultz. Mais il n’en a pas fallu beaucoup plus pour que WikiLeaks soit accusé de prendre parti pour Donald Trump, lui-même soupçonné d’être aidé par la Russie. De son côté, Assange a droit à sa propre émission sur RT, chaîne d’information financée par l’Etat russe.

Depuis ses débuts, l’organisation de Julian Assange s’appuie sur la liberté d’expression pour justifier la publication de ses documents. Mais c’est l’attitude de son équipe et leurs partis pris politiques qui sont désormais pointés du doigt. Surtout, leur choix de ne plus prendre le soin de trier les informations journalistiquement pertinentes des autres est de plus en plus discuté. Fin juillet, Edward Snowden regrettait publiquement cette stratégie. Là encore, WikiLeaks ripostait en qualifiant l’homme qui a révélé le scandale de la NSA “d’opportuniste”, à la solde de Clinton.

Les choix de l’organisation ont également été critiqués le soir de l’attentat de Nice, le 14 juillet dernier. Sur Twitter, WikiLeaks a publié une vidéo exposant les victimes, jugée choquante par beaucoup d’internautes. Plus que de la négligence, c’est le projet d’Assange qui est mis en cause, prenant une dimension de plus en plus politisée.

Et au débat succède la crainte, face à sa puissance de feu. Le 12 août dernier, le magazine Time interrogeait un défenseur américain de la vie privée. Sous l’anonymat, l’homme regrette l’époque où les membres de l’équipe de WikiLeaks se comportaient “comme des journalistes”. Avant de confier avoir “davantage peur de WikiLeaks que de la NSA”.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co